Déclaration de Soutien pour Amnesty International

Source
NSWP
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Le Réseau Mondial des Projets sur le Travail Sexuel (NSWP) aimerait saisir l’opportunité d’exprimer notre soutien pour la résolution d’Amnesty International et sa proposition politique appelant à la décriminalisation du travail sexuel, présentée pour adoption lors de leur Réunion de Conseil International, du 6 au 11 août 2015. Cette proposition politique est basée sur les résultats de recherches au niveau des pays menées par Amnesty International sur les impacts en matière de droits humains de la criminalisation du travail sexuel, et également de sa consultation en 2014, qui a inclus des contributions de nombreuses travailleuses du sexe à travers le monde – la communauté la plus affectée par ces propositions. 

Le NSWP aimerait également condamner, dans les termes les plus forts possibles, le communiqué du CATW, sa lettre ouverte et sa pétition en ligne attaquant les propositions d’Amnesty International. La position du CATW est stigmatisante, discriminatoire et déforme les faits, amalgamant le travail sexuel avec la traite des êtres humains. Plus important elle ignore les expériences vécues des travailleuses du sexe, réduit au silence leurs voix et cherche à perpétuer des systèmes légaux qui mettent les travailleuses du sexe à de plus grand risque de violence, de stigmatisation, et de discrimination; et limitent leur accès à la santé et aux services sociaux. Plus encore, le CATW ignore l’ensemble des preuves et les résultats d’institutions internationales telles que le Programme des Nations Unies sur le VIH/SIDA, qui recommandent que les gouvernements travaillent vers la décriminalisation du travail sexuel et du journal médical The Lancet qui a récemment publié une série spéciale sur le VIH et les travailleuses du sexe recommandant également la décriminalisation du travail sexuel affirmant que “La décriminalisation du travail sexuel aurait le plus grand effet sur le cours de l’épidémie VIH dans tous les milieux, évitant entre 33 et 46% des infections lors de la prochaine décennie.”

Les adhérents du NSWP comprennent 237 organisations dirigées par des travailleuses du sexe dans 71 pays à travers le monde, incluant des organisations locales aussi bien que des réseaux nationaux et continentaux. Nos réseaux continentaux dans les hémisphères Sud et Nord représentent plusieurs milliers de travailleuses du sexe qui s’opposent activement à la criminalisation et autres oppressions légales au travail sexuel. 

En 2013, suivant une consultation mondiale avec nos membres, le NSWP a publié une ‘Déclaration de Consensus sur le Travail Sexuel, les Droits Humains et la Loi’ au nom des membres du NSWP  et des travailleuses du sexe qu’il représente. La déclaration de consensus identifie et se concentre sur 8 droits qui ont été reconnus et ratifiés dans la plupart des pays comme droits humains fondamentaux – ces 8 droits sont établis dans divers traités internationaux pour les droits humains, ainsi que dans de nombreuses constitutions nationales, mais sont trop souvent niés aux travailleuses du sexe. Ces droits fondamentaux identifiés par les travailleuses du sexe comme étant les plus à risque d’être niés sont:

1. Le droit de s’associer et de s’organiser

2. Le droit d’être protégé par la loi

3. Le droit d’être à l’abri de la violence

4. Le droit de ne pas subir de discrimination

5. Le droit à la vie privée et d’être libre de toute ingérence arbitraire

6. Le droit à la santé

7. Le droit de circuler et de migrer

8. Le droit de travailler et le libre choix de son travail

Le NSWP aimerait aussi attirer l’attention sur deux récents rapports de Human Rights Watch World de 2014 et de 2015. Ces rapports sont des examens annuels des pratiques des droits humains autour du monde et résument des problèmes clés liés aux droits humains dans plus de 90 pays et territoires dans le monde. Ces rapports mettent en lumière les violations des droits humains perpétrées contre les travailleuses du sexe au Cambodge, Chine, Vietnam, Grèce, Liban, et aux Etats-Unis. Le rapport 2015 discute des changements législatifs récents que la Loi C-36 dite Loi de Protection des Communautés et des Personnes Exploitées au Canada (PCEPA) a apporté. PCEPA a été introduite en réponse à la décision de la Cour Suprême du Canada en 2013 d’invalider les restrictions précédentes dont la cour avait considéré qu’elles violaient les droits et la sécurité des travailleuses du sexe. Le rapport de Human Rights Watch affirme au sujet de: ‘la loi C-36, qui criminalise la communication dans les buts de vendre des services sexuels en public, ou d’acheter, d’annoncer ou de bénéficier de la vente de services sexuels. Cette loi limiterait gravement les possibilités des travailleuses du sexe de prendre des mesures pouvant leur sauver la vie, telles que le fait d’examiner leurs clients. Criminaliser la communication a un impact disproportionné sur les travailleuses du sexe de rue, dont nombreuses d’entre elles sont indigènes, pauvres, ou transgenres, les forçant à travailler dans des endroits plus dangereux et isolés.’

Les abus aux droits humains des travailleuses du sexe incluent, la détention arbitraire (Cambodge), des descentes de police punitives, des dépistages forcés au VIH, des infractions à la vie privée, des mauvais traitement des autorités de santé (Chine), la réinsertion forcée des travailleuses du sexe (Vietnam), la détention et le dépistage forcé du VIH de travailleuses du sexe présumées (Grèce), la soumission de travailleuses du sexe (avec les usagers de drogues et les personnes LGBT) à une surveillance sécuritaire forcée avec mauvais traitement et torture (Liban), et l’usage de préservatifs utilisé comme preuve de travail sexuel (Etats-Unis). Le rapport appelle à la décriminalisation du travail sexuel volontaire par des adultes en reconnaissant le fait que là où le travail sexuel est criminalisé (y compris la criminalisation des clients) cela permet aux abus et violations aux droits humains de survenir à cause de la stigmatisation et de la discrimination, et cela entraine le fait que les travailleuses du sexe sont considérées comme des citoyennes de seconde classe ne méritant même pas de droits humains fondamentaux. 

Pour reprendre les conclusions des agences internationales majeures : ‘Les lois qui criminalisent directement ou indirectement ou qui pénalisent les travailleuses du sexe, leurs clients, et les parties tierces, [...] peuvent saper l’efficacité des programmes VIH et de santé sexuelle, et limiter la capacité des travailleuses du sexe et de leurs clients à chercher et à bénéficier de ces programmes.’

Les travailleuses du sexe et leurs alliés mènent campagne pour la décriminalisation complète du travail sexuel afin de:

Promouvoir des conditions de travail sécurisées – Les travailleuses du sexe peuvent travailler ensemble pour leur sécurité et communiquer ouvertement avec leurs clients et managers sans avoir constamment peur du harcèlement de la police ou pire encore. En Nouvelle Zélande, la décriminalisation du travail sexuel lors de la décennie passée a aidé à promouvoir les droits humains et du travail des travailleuses du sexe. Le Tribunal de Nouvelle Zélande pour l’Examen des Droits Humains a rendu une décision faisant date en janvier 2014 sur la violation des droits humains d’une femme dans une maison close de Wellington où elle était employée. La femme avait porté plainte contre son manager et le propriétaire de la maison après le harcèlement sexuel subi par le manager. La plainte a été confirmée et la femme a obtenu des compensations en dommages et intérêts substantiels.

Augmenter l’accès aux services de santé et réduire les risques des travailleuses du sexe au VIH et IST – Les travailleuses du sexe portent une charge disproportionnée du VIH et des IST, à cause de la criminalisation qui réduit leur capacité à contrôler leurs conditions de travail et les risques, et crée des barrières aux services sociaux et de santé. Par exemple, dans de nombreux territoires, la police utilise la présence de préservatifs comme preuve d’activité sexuelle pour prouver l’intention de ‘racoler’ ou ‘la tenue de maison’. Lorsque les préservatifs sont utilisés comme preuve pour poursuivre tout délit lié au travail sexuel cela décourage l’approvisionnement et, en effet, pénalise la possession de préservatifs, ce qui a un impact sur la capacité des travailleuses du sexe à se protéger. Cela va à l’encontre des lignes directrices de l’Organisation Mondiale de la Santé qui appelle les pays à ‘Encourager des ‘lieux de travail sécurisés’ et la disponibilité des préservatifs dans tous les établissements de travail sexuel’ et à ‘Mettre fin à la pratique des officiers responsables de l’application des lois d’utiliser les préservatifs comme preuve du travail sexuel’.[8] 

Augmente l’accès des travailleuses du sexe à la justice – La décriminalisation retire les obstacles majeurs des travailleuses du sexe signalant des viols ou autres crimes puisque les travailleuses du sexe dans les environnements criminalisés ont trop souvent peur d’être arrêtées ou punies d’autres façons (perte de la garde des enfants). Cela rend aussi plus difficile de commettre des violences contre les travailleuses du sexe en toute impunité. 

Réduit les abus et la violence de la police – la police est souvent l’auteur des abus contre les travailleuses du sexe. Là où le travail sexuel est criminalisé, la police exerce son pouvoir sur les travailleuses du sexe sous la forme de menaces d’arrestations, d’extorsion de services sexuels, de viols et d’humiliation publique. En Afrique du Sud et en Ouganda par exemple, la police fait souvent marcher des travailleuses du sexe présumées en public les forçant à porter des préservatifs gonflés autour de leur cou.

Aide à s’attaquer à l’exploitation et la coercition quand elle advient – Le guide de l’ONUSIDA sur le VIH et le Travail Sexuel déclare que les ‘travailleuses du sexe sont souvent elles-mêmes les mieux situées pour savoir qui est victime de traite aux fins de travail sexuel forcé et par qui, et sont particulièrement motivées à arrêter de telles pratiques odieuses’.[10] La criminalisation du travail sexuel entrave les efforts anti-traite des organisations de travailleuses du sexe et rend plus aisé la mauvaise catégorisation des travailleuses du sexe comme des personnes victimes de la traite. Beaucoup de mesures anti-traite sont délibérément utilisées pour interrompre les entreprises de travail sexuel et suivent régulièrement de manière flagrante un récit anti-migrants. Les initiatives anti-traite doivent être basées sur des preuves, fondées sur les principes des droits humains et ne doivent pas impacter négativement les droits des travailleuses du sexe.