Bulletin Trimestriel du Fonds Mondial, mars 2019

Source
NSWP

Le premier trimestre de 2019 a consisté principalement pour le Fonds mondial à préparer la Sixième conférence de reconstitution des ressources que la France accueillera en octobre 2019. Le Fonds mondial tentera de réunir 14 milliards de dollars, ce qui représente 15 % ou 1,8 milliard de plus que la somme récoltée lors de la cinquième période de reconstitution des ressources.

Le document intitulé Pourquoi investir dans le Fonds mondial ?, rédigé par le Fonds mondial pour expliquer aux donateurs potentiels la valeur de leur investissement dans le Fonds mondial, met l’accent sur les objectifs de développement durable (ODD) visant à mettre fin aux épidémies d’ici 2030. Il estime également qu’il y aura une augmentation de 48 % des financements assurés par les gouvernements pour combattre les trois maladies. L’Allemagne a récemment annoncé qu’elle allait augmenter sa contribution au Fonds mondial à hauteur de 40 millions d’euros. La situation générale vis-à-vis des travailleurSEs du sexe (et des autres populations clés) ne semble cependant pas très encourageante. Quatorze milliards de dollars sont loin d’être une somme suffisante et il est peu probable que les financements accordés aux projets sur le travail du sexe qui respectent les droits humains vont augmenter. Il est fortement espéré que les financements assurés par les gouvernements vont augmenter, ce qui n’est pas encourageant étant donné qu’il est peu probable que les gouvernements accorderont davantage de financements aux projets sur le travail du sexe sans qu’un travail de plaidoyer énorme soit effectué et que les politiques gouvernementales et les législations soient réformées. Dans le cas où le Fonds mondial ne parviendrait pas à collecter ces 14 milliards de dollars, les fonds mis à disposition dans le cadre des investissements à effet catalyseur, une source essentielle de financement pour les projets sur le travail du sexe, seront en danger d’être supprimés ou réduits. Global Action for Gay Men’s Health and Rights (MPact), Global Action for Trans* Equality (GATE), le Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH/sida (GNP+), Global Network of Sex Work Projects (NSWP), et le Réseau international des usagers de drogues (INPUD) ont récemment publié une déclaration (en anglais) demandant, au vu des difficultés rencontrées par les populations clés, que les objectifs pour la reconstitution des ressources soient plus ambitieux. Nous encourageons les organisations dirigées par des travailleurSEs du sexe à continuer leur travail de plaidoyer pour l’inclusion des plans stratégiques et des budgets nationaux et à continuer à essayer de trouver des financements venant de donateurs extérieurs.

Les questions des financements à effet catalyseur et de la méthodologie d’allocation des financements sont en train d’être réexaminées par le comité de la stratégie du Fonds mondial et une décision sera prise pendant la 9e réunion du comité de la stratégie. Une recommandation sera ensuite proposée au conseil d’administration du Fonds mondial pendant la 41e réunion du conseil qui se tiendra du 15 au 16 mai 2019.

La méthodologie d’allocation des financements actuelle repose sur la charge de morbidité et la capacité contributive, certains ajustements étant effectués en fonction de facteurs qualitatifs qui diffèrent en fonction des pays. Cela a entraîné une augmentation des investissements dans les pays à revenu faible ayant une charge de morbidité élevée et ainsi provoqué une baisse des financements pour les pays ne répondant pas à ces critères. Moins de financements pour ces pays pourrait signifier moins de financements pour les programmes en lien avec le travail du sexe ; le risque existe que les financements soient supprimés si les ressources sont insuffisantes. La Délégation des communautés a plaidé pour que l’indicateur servant actuellement à déterminer la charge de morbidité prenne aussi en compte l’incidence et la prévalence de la maladie (le taux des nouvelles infections ainsi que le nombre total de cas). Cela serait particulièrement utile pour la région Europe de l’est et Asie centrale et, dans une moindre mesure, pour les régions Asie et Amérique latine et Caraïbes parce que cela permettrait de représenter de façon plus fidèle l’augmentation de l’épidémie du VIH chez les populations clés et notamment chez les travailleurSEs du sexe. Cela n’est pourtant pas chose aisée. Accorder davantage de financements à la région Europe de l’est et Asie centrale a une dimension politique par exemple, non seulement parce qu’il existe une forte opposition politique au financement des pays à revenu intermédiaire mais aussi parce que cela signifierait que l’Afrique recevrait moins d’argent. Cela sera particulièrement problématique si la reconstitution des ressources ne permet pas de récolter les 14 milliards de dollars escomptés, des fonds qui sont déjà insuffisants. Si davantage de financements sont octroyés à la région Europe de l’est et Asie centrale, il faudra qu’ils soient pris ailleurs et cela risque d’entraîner des désaccords.

Concernant les investissements à effet catalyseur, il s’agit principalement de décider quelles sont les priorités et la Délégation des communautés essaye en premier lieu de préserver l’Initiative stratégique en faveur des communautés, des droits et du genre (CRG SI). Beaucoup de questions ont été soulevées concernant la liste des priorités proposée mais peu de réponses ont été apportées jusqu’à présent. Pourquoi le renforcement des laboratoires fait-il l’objet d’un tel intérêt ? Pourquoi les financements des investissements à effet catalyseur devraient-ils être alloués de façon à promouvoir la participation du secteur privé ? Que veulent-ils dire lorsqu’ils parlent de soutien entre les pays du sud ? Pourquoi les financements accordés à l’OMS ont-ils augmenté ? Pourquoi le budget du Groupe technique de référence en évaluation va-t-il augmenter ? Pourquoi le remboursement des prêts par le biais des subventions du Fonds mondial est-il toujours intégré aux financements innovants alors que la Délégation des communautés s’y oppose depuis longtemps ? Toutes ces difficultés peuvent potentiellement mener à la baisse des financements mis à disposition dans le cadre de l’Initiative stratégique en faveur des communautés, des droits et du genre, en particulier si la reconstitution des ressources n’atteint pas son objectif des 14 milliards de dollars. Les prévisions du secrétariat du Fonds mondial envisagent tous les scénarios possibles, de l’absence de financements pour les investissements à effet catalyseur au maintien du niveau actuel de 800 millions de dollars. Les financements n’augmenteront pas et la Délégation va concentrer ses efforts sur le maintien des 15 millions de dollars pour l’Initiative stratégique en faveur des communautés, des droits et du genre, et cela quelle que soit la somme récoltée pour la reconstitution des ressources.

Un autre problème qui se pose pour les travailleurSEs du sexe, c’est que le Fonds mondial ne semble pas très motivé pour continuer à accorder des subventions multipays autres que celles qui sont déjà en cours, essentiellement en raison des coûts de transaction élevés. L’arrêt des subventions multipays entraînerait une réduction des opportunités de financement des projets sur le travail du sexe dans les pays ne pouvant pas prétendre actuellement aux financements du Fonds mondial alors que ces projets pourraient potentiellement bénéficier de ces subventions. Le succès de la reconstitution des ressources pourrait peut-être se traduire par une continuation des subventions multipays et la création d’un nouveau système de réduction des coûts de transaction.