Bulletin Trimestriel du Fonds Mondial, avril 2018

Avril 2018

Le Fonds mondial suspend son partenariat avec Heineken

Le Fonds mondial a récemment annoncé qu’il se retirait du partenariat qu’il avait établi avec Heineken. Ce partenariat devait permettre au Fonds mondial de bénéficier de l’expérience de la compagnie en matière de gestion de la chaîne d’approvisionnement. Le Fonds mondial a décidé de suspendre ce partenariat suite à des informations faisant état de l’utilisation d’hôtesses pour la promotion de la bière.

Selon les déclarations du Fonds mondial le partenariat aurait été suspendu suite à « l’utilisation d’hôtesses par la société pour faire la promotion de la bière de manières les exposant à l’exploitation sexuelle et à des risques pour leur santé. »

NSWP soutien le droit des femmes à pouvoir choisir librement leur travail et à pouvoir travailler dans le secteur de leur choix : leur droit au travail ne doit pas être restreint pour des raisons morales, quelles qu’elles soient. Dans un tel contexte, NSWP n’approuve donc pas la décision du Fonds mondial de suspendre son partenariat avec Heineken. Du moment que ces femmes ont l’âge requis pour travailler légalement et que leurs droits en tant que travailleuses sont protégés, NSWP ne s’opposent pas à ce que des femmes fassent la promotion de la bière Heineken ou d’un quelconque autre produit. La question morale de l’abus d’alcool qui avait été soulevée en premier lieu concernant ce partenariat a été éclipsée par d’autres considérations qui se solderont, pour ces femmes, par la perte de leur emploi. Notre positionnement a été communiqué à la délégation des communautés du conseil d’administration du Fonds mondial. La délégation n’a pas encore annoncé quelle est sa position face à ce problème et d’autres discussions sont à venir.

Modifications de la politique d’admissibilité

Plusieurs changements complexes sont intervenus au sein de la politique d’admissibilité ; nous les présentons brièvement ci-dessous.

Le Comité de la stratégie a approuvé une version révisée de la politique d’admissibilité qui doit encore être approuvée par le conseil d’administration du Fonds mondial. Dans le cas où le conseil d’administration n’approuverait pas cette nouvelle version, la politique d’admissibilité actuelle restera la référence. Selon la politique d’admissibilité actuelle, un pays qui atteint le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure n’est plus éligible à des financements sauf dans le cas où sa charge de morbidité est « élevée ». Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure qui sont membres du G20 ne sont éligibles à des financements que lorsque leur charge de morbidité est « critique ». Cela signifie que l’Indonésie, qui devrait atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure dans un an ou deux, deviendrait probablement inéligible aux financements du Fonds mondial pour la lutte contre le VIH et le paludisme et ne recevrait pas non plus de financement de transition.

Durant la réunion du Comité de la stratégie qui s’est tenu en mars 2018, les délégations des communautés et de la société civile ont appuyé les propositions suivantes :

  • Les délégations ont demandé avec succès que la disposition qui différencie les pays faisant partie du G20 de ceux qui n’en font pas partie soit retirée de la version amendée de la politique d’admissibilité. Cela signifie, en théorie, que l’Indonésie devrait conserver son allocation pour le VIH et le paludisme. Le compromis qui a été trouvé est le suivant : une clause sera incluse dans la nouvelle politique d’admissibilité pour que les pays membres du G20 qui sont actuellement inéligibles aux financements du Fonds mondial ne puissent pas, après les modifications apportées à la politique d’admissibilité, devenir éligibles.
     
  • Les délégations ont soumis une proposition de modification de la règle s’appliquant actuellement aux ONG. Selon cette règle, les pays qui ne peuvent pas recevoir d’allocation gouvernementale parce qu’ils sont membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE, recevront leur allocation par l’intermédiaire de la société civile et des organisations communautaires. Les délégations ont proposé que la règle s’appliquant aux ONG soit élargie de manière à inclure les pays qui deviendront bientôt inéligibles aux financements suite à la clause relative aux pays du G20 mentionnée ci-dessus. Cette proposition n’a pas été approuvée. La méthodologie d’allocation des financements sera cependant discutée pendant la prochaine réunion du Comité de la stratégie. Ces discussions pourraient mener à la création d’un système de financement indépendant pour les communautés des pays inéligibles aux financements. C’est une perspective prometteuse qui pourrait garantir que les communautés affectées par le processus de transition du Fonds mondial puissent continuer d’être financées.
     
  • Pour que les pays puissent bénéficier de la clause relative aux ONG, il faut qu’ils puissent démontrer que les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme sont entravés par des « obstacles politiques ». La définition d'« obstacle politique » reste imprécise ; jusqu’à présent, le secrétariat du Fonds mondial s’est principalement concentré sur la criminalisation législative. Une telle approche signifie que la Russie, qui ne peut pas recevoir de financements gouvernementaux parce qu’elle est membre du Comité d’aide au développement de l’OCDE, pourrait être éligible à d’autres financements étant donné la position adoptée par le gouvernement vis-à-vis des traitements de substitution aux opiacés et des programmes d’échange de seringues. Par contre, la Roumanie et la Bulgarie, dont les lois n’interdisent pas de façon explicite les traitements de substitution aux opiacés et les programmes d’échange de seringues, ne peuvent pas prouver que les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme sont entravés par des « obstacles politiques » et ne sont donc pas éligibles aux financements. Les délégations ont proposé que le vocabulaire utilisé soit modifié et des améliorations ont été apportées. On ne sait, pour l’instant, toujours pas si la Roumanie et la Bulgarie seront éligibles aux financements : d’autres évaluations doivent être menées. Le vocabulaire sera néanmoins modifié de façon à inclure les « pratiques qui entravent l’accès des populations clés aux services ».


L’évolution des instances de coordination nationale

Comme cela avait été mentionné dans de précédents bulletins, le Fonds mondial est actuellement en train de réexaminer les structures et le règlement intérieur des instances de coordination nationale ; le Fonds mondial appelle ce processus l'« évolution des instances de coordination nationale ».

NSWP a largement contribué à la consultation qui avait été menée en ligne et insisté sur l’importance de la participation significative des populations clés. La décision finale concernant les instances de coordination nationale sera examinée et approuvée (ou non) pendant la réunion du conseil d’administration qui aura lieu en Macédoine les 9 et 10 mai 2018.

Trois modèles différents d’instance de coordination nationale ainsi qu’une instance de coordination régionale ont été proposés. Les populations clés, les personnes vivant avec les trois maladies et la société civile continueront d’être représentées au sein des trois modèles d’instance de coordination nationale mais c’est le conseil d’administration qui prendra la décision finale.

Les instances de coordinations nationales essentielles : ce modèle est pour les pays dont la charge de morbidité d’au moins une maladie est « grave » ou « critique » et dont la réponse nationale est financée pour une large part par le Fonds mondial. Il concerne 25 pays.

Les pays qui font leur transition : ce modèle concerne les pays qui se préparent à s’affranchir des financements du Fonds mondial ou qui ont déjà commencé le processus de transition. Il concerne 60 pays.

Les instances de coordination nationale dans des contextes difficiles : ce modèle est pour les pays qui bénéficient d’une protection supplémentaire de la part du Fonds mondial, sans inclure les pays qui sont touchés par une « instabilité chronique » ou en situation d'« urgence humanitaire »[1]. Il concerne 23 pays.

 

[1] On dit qu'un pays est touché par une instabilité chronique lorsque la sécurité des personnes est précaire, la gouvernance est faible et des conflits localisés sont présents. On parle d'urgence humanitaire lorsqu'un conflit armé a entrainé une crise humanitaire.